Europe 1, Cameron 0

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Le scandale des Panama papers montre que nous n’en avons pas encore fini avec les paradis fiscaux.

Il faut le dire, en matière de lutte contre l’évasion fiscale beaucoup a été accompli au cours des dix dernières années grâce à l’Europe.

C’est cette Europe-là que je défends bec et ongle. Cette Europe-là qui, en sécurisant les fondamentaux économiques, participe à une société de progrès pour plus de 500 millions de citoyens, actifs, entrepreneurs, retraités… C’est cette Europe-là qui œuvre, plus qu’on ne le dit, dans l’intérêt des « petites gens », de celles et ceux qui, « en bout de chaine », auraient le plus à perdre des soubresauts de la finance mondiale, que ce soit à travers la montée du chômage (conséquence de la réfaction du crédit aux entreprises) ou la disparition d’une épargne en cas de faillite bancaire…

La double crise des dettes souveraines et du secteur bancaire, entre 2008 et 2012, a grandement accéléré ce processus.

Pourquoi rappeler ce contexte ? Parce que beaucoup reste à faire ! L’enjeu est colossal… le Parlement Européen évalue à 1000 Md€ le montant annuel de l’évasion fiscale au sein de la zone euro quand le cumul des déficits publics oscille, quant à lui, entre 500 et 600 Milliards. En clair : réduire ne serait-ce- que de 50 % l’évasion permettrait un retour à l’équilibre budgétaire, la sortie de l’endettement massif, plus de croissance et d’emplois, des taux d’imposition moins élevés et plus égalitaires…

Or, cette Europe du progrès n’est pas encore écrite, loin de la ! D’importantes inerties subsistent. Le chantage au Brexit, bientôt relayé par des velléités de Frexit chez nous, en offrent une triste illustration.

Ce énième scandale d’évasion fiscale fait sortir du bois celles et ceux qui ont tout à gagner d’une Europe des « pieds de plomb », celles et ceux qui n’ont pas intérêt à voir s’installer plus de concurrence, de meilleures régulations, une sécurité accrue… Parce que cette Europe-là, justement, c’est celle de la transparence.

De transparence, il n’y en a point dans le discours des populistes qui n’ont aucun intérêt à ce que la situation économique et économique ne s’améliore, au risque de voir se réduire un espace politique.

De transparence, il n’y en a guère plus chez les conservateurs de droite comme de gauche qui, au nom des intérêts sectoriels qu’ils protègent, sont prêts à prendre l’Europe en otage malgré le risque que fait courir pareille posture dans la mondialisation.

L’implication personnelle du Premier Ministre britannique dans le scandale des Panama papers montre combien les intérêts de la « finance dévoyée » se cachent, en filigrane, derrière les pseudos argumentaires sociaux, migratoires ou économiques des partisans du Brexit (bien qu’on puisse demeurer critique de la performance de l’Union sur ces points). Je parle bien ici de « finance dévoyée » et non de « la finance » comme l’eut fait un autre futur Chef d’Etat, en France cette fois.

Il existe un autre versant de la finance et de l’entreprenariat (plus de 30 millions d’unités), lui respectueux du droit comme de l’intérêt général. Ces acteurs, majoritaires, appréhendent grandement les tergiversations de M Cameron, qui après s’être copieusement servi de la vague Brexit, plaide désormais pour le maintien de son pays dans l’Union non sans avoir arraché un statut dérogatoire, protecteur des intérêts cachés des lobbys.

Les événements de la semaine dernière auront au moins eu un intérêt : celui de montrer pour qui « roule » le Premier Ministre britannique et pour qui « roulent » celles et ceux qui, en France, souhaiteraient s’inspirer d’un scénario « à la britannique » – à plus forte raison si le  « oui » l’emportait. Il appartiendra aux électeurs de choisir en conscience…

Il y aura, on peut le craindre, d’autres Panama papers dans les années à venir. Mais celui-ci a un goût de « ras le bol » dans ce qu’il montre de duplicité et de « petite politique » à un moment où chacun prend conscience d’une urgence tant sur le plan politique, qu’économique ou social.

Candidat aux dernières Européennes en 2014, je plaidais la vigilance autour de l’Union bancaire, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, parce que la finance mondiale reste très exposée, le FMI attirant très régulièrement l’attention des gouvernants sur ce point. Nous mettre en ordre de marche aujourd’hui, à travers cette même Union bancaire adossée au Mécanisme Européen de stabilité, c’est protéger notre création de richesse demain !

Ensuite parce que cette même Union bancaire était alors en cours de déploiement. Et l’histoire de l’Union nous enseigne combien la résolution des Etats peut faiblir une fois la crise passée…

Enfin, parce que sur un plan strictement opérationnel l’Union bancaire se heurtait à l’époque (et d’une certaine manière se heurte toujours) à d’importantes résistances, précisément de la part des partisans de « l’Europe des pieds de plomb », fallacieusement drapés derrière les étendards de « souveraineté » et de « compétitivité ».

Les conservateurs de gauche ou les extrêmes ont, quant à eux, d’autres raisons de traîner des pieds. Après tout un scandale financier de temps à autre s’avère bien utile pour alimenter les théories du « tous pourri » ou « d’une Europe rompue aux lobbys », chères à leur cœur électoral…

Combien de fois me suis-je entendu dire, tout au long de cette campagne, « tu as raison… mais n’en fais-tu pas un peu trop ? », « n’est-ce pas là un effet d’estrade » ? Les développements de ces derniers jours me permettront de faire l’économie d’une réponse.

Le scandale des Panama papers doit renforcer notre détermination collective à œuvrer pour une Europe résolument plus démocratique et fédérale, seule capable d’aider les Etats à s’aider eux-mêmes et ainsi renouer avec le progrès économique et social. Le peuple d’Europe doit interpeller ses dirigeants dans ce sens, plus encore en France et en Allemagne, toutes deux à un an d’une échéance électorale majeure : moins romanesque, concédons-le, mais certainement plus ambitieux que de passer des « nuits debout »…

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