Déconfinement : La France a besoin d’un grand emprunt !

Ce 13 avril, le Président de la République s’est une nouvelle fois adressé à la nation dans ce contexte si particulier, évoquant pour la première fois l’après.

Le déconfinement ne peut être la démondialisation ! Soyons vigilants, tant cette tentation est forte, à droite comme à gauche. Serions-nous anesthésiés au point de ne pas voir que la fermeture des frontières conduit inéluctablement à des guerres bien plus meurtrières que les pandémies ?

La France d’après, ce doit être le monde d’après. Une chance historique nous est donnée : nous affranchir du véritable hold-up idéologique des chantres du néolibéralisme, ceux-là mêmes qui ont travesti le libéralisme en une annihilation de toute règle, toute protection…

C’est méconnaître les tenants du courant de pensée libéral qui, avant d’être économique, croit avant tout en la liberté des Hommes. D’où la promotion de la liberté d’entreprendre, de circuler, de s’enrichir, mais également à se libérer de la maladie, de l’ignorance. En ces temps graves, mais qui rendent possible la refondation, loin de « raser les murs », les libéraux doivent au contraire, plus que jamais, donner de la voix !

La crise du Covid-19 a rappelé le danger de choix économiques lorsqu’ils favorisent systématiquement la rente sur la production. La pénurie de masques n’est, hélas, que l’arbre qui cache la forêt d’une longue série. Certes, la chaîne de valeurs, complexe, rend-t-elle impossible la relocalisation de filières entières, si tant est qu’un tel objectif soit souhaitable. En outre, parler d’indépendance stratégique en dehors de l’Europe est un non-sens tant les cycles technologiques ne cessent de se  raccourcir et les effets d’échelle de s’amplifier.

Ce devrait être la fonction des euro-bonds, non seulement de financer, mais surtout encourager une vision industrielle pour le continent. Comme chacun sait, il en est autrement. Les euro-bonds doivent rester un horizon. Ils sont le seul moyen de lever des « dettes d’avenir » face à des Etats continents tels que la Chine ou l’Inde. En cela, les euro-bonds sont différents du plan d’urgence de 500 milliards d’euros, certes salutaire, mais loin de cette vision au long court pour la souveraineté économique de l’Europe

Il est peu probable que nous parvenions à mettre d’accord en vingt jours des Européens divisés sur le sujet depuis plus de vingt ans, Jacques Delors proposait déjà en son temps les euro-bonds. Dans l’attente, la France a-t-elle d’autre choix que de lever un grand emprunt national si elle veut rebondir, et dès lors que ni les salariés ni les contribuables n’accepteront de payer la note de la crise du confinement ?

Nous l’avons fait à chaque moment charnière dans notre histoire, certes avec plus ou moins de succès mais jamais en échec : le plan René Pleven en 1944, Antoine Pinay en 1952, Valéry Giscard d’Estaing en 1973 ou Edouard Balladur en 1994. Le dernier grand emprunt date de 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ouvertement tourné vers la recherche, entre temps réarticulé intelligemment avec les orientations du plan Juncker.

En 2019, l’encours des placements « sécurisés », c’est-à-dire partagés entre banques et assurances, s’élevaient à quelque 3.300 milliards d’euros. Ce dernier a d’ailleurs bondi de près de 20% en cinq ans, non sans poser d’autres problèmes à l’heure de taux d’intérêts trop bas.

Rediriger une part de l’épargne de rente vers l’épargne productive n’a jamais été un exercice simple. Gardons-nous de toute théorie trop simpliste, mais gardons en tête qu’il suffirait de rediriger ne serait-ce que 5 points de cet encours vers un grand emprunt national pour ramener la part de l’État en matière d’investissement public au niveau de ce qui était pratiqué… dans les années 1970. Ce, pour une durée de 3 ans, que les économistes regardent comme un horizon pour sortir des effets économiques du Covid.

Mobiliser l’épargne des Français vers l’investissement ne revêt pas seulement un intérêt solvable, bien que le financement des mesures liées au covid-19 soit une question cruciale, et demain centrale. Faisons d’un grand emprunt national un produit d’épargne populaire et fédérateur ! Pourquoi pas par redéploiement de certains produits de l’assurance vie dont les Français sont si friands ? Renforçant ainsi l’attractivité en facilitant les transferts de contrats et en préservant un certain nombre d’avantages, notamment fiscaux.

Un grand emprunt national doit aider à retrouver la voie d’un bon sens économique – celui de la confiance d’aujourd’hui, qui créent la richesse de demain et la rente fiscale d’après demain.

Le temps du confinement, nous avons redécouvert l’importance de métiers que nous regardions plus. Nous avons réappris à aimer nos caissières, nos personnels soignants, nos forces de l’ordre, nos éboueurs, là où certains ne juraient que par la start-up nation pour rêver de la mondialisation. Aimons tout autant nos chercheurs, nos industriels, nos ingénieurs, nos techniciens qualifiés.

Donnons-leur les moyens de nous emmener plus haut, plus loin, en meilleure santé, plus longtemps. Confions aux Français la reconstruction de la France, de son hôpital public, le déploiement d’une 5G avec une technologie européenne non dépendante de la Chine, développons les exosquelettes qui feront reculer la dépendance et revaloriseront les métiers pénibles, le développement du zéro émission depuis les territoires… En bref, innovons ! La France reprendra confiance et pourra réaffirmer son leadership, européen d’abord, puis mondial.