Toutes les sensibilités ou presque se sont exprimées autour du plan de relance. Trop tôt, trop tard, le pour, le contre, les espoirs, les réserves… En réalité, cette relance sera ce que nous choisirons d’en faire.
En définitive, le plan de relance peut tout à fait servir d’accélérateur à la sphère financière et spéculative comme il peut raviver un semblant de capitalisme rhénan par lequel la création de richesse précède la redistribution. Aucun de ces deux scenarii n’est écrit d’avance. Si le premier reste dangereusement probable, reconnaissons qu’il serait un double échec. D’abord parce que cela ne pourrait que résulter de l’échec du second. Ensuite, parce que rarement autant de conditions auront été réunies pour que ce soit précisément ce même second scénario qui l’emporte : celui d’un capitalisme à visage humain, décarboné, par et pour les territoires.
Réhabilitation d’un Commissariat au plan, retour de l’idée de « puissance publique » (et de « commande »), levée des freins à la culture de l’apprentissage, diminution des impôts de production (peut-être insuffisamment aux yeux de certains mais dans des proportions inédites)… Certes, on pourra pointer un risque de dérive interventionniste ; craindre le cancer de l’hyper-administration (parfois autant alimentée par les acteurs que l’administration elle-même d’ailleurs) ; rendre suspect le président de la République de penser à sa réélection (comme si les projets de société n’étaient pas aussi des combats d’idées…). Mais nul ne peut nier un renouveau keynésien autant à une échelle nationale qu’européenne ; et à la fois l’envie de nous relancer, plus encore par l’emploi, par le travail. Pas même la gauche qui aurait naguère revendiqué le monopole sur ces valeurs.
Il n’y aura pas de second tour au plan de relance. Et même si les milliards sont fléchés (presque à égalité entre la cohésion sociale, l’écologie et la compétitivité), celles et ceux qui ont l’expérience de l’entreprise et de la conduite des politiques publiques savent que la fongibilité ira là où elle sera appelée. Pour être clair : seuls les projets arrivés en premier, avec des effets concrets (à tout le moins à court terme) et obéissant à une gouvernance déterminée, seront servis.
Les Hauts-de-France ont rêvé avant d’autres d’une troisième révolution industrielle depuis lors devenue quelque peu « normative ». Non que notre région ait à rougir de ce qu’elle a accompli – affirmer l’inverse serait aussi inexact qu’irrévérencieux pour celles et ceux qui se sont engagés avec les écueils, l’énergie, et le surcroît de créativité qui est demandé aux pionniers. Mais le fait est que presque dix ans après la venue de Jéremy Rifkin, il est exagéré de dire que l’on pense spontanément aux Hauts-de-France pour parler du « monde d’après », comme d’aucuns associeraient la révolution électronique à la Silicon Valley. Ce qui peut laisser un goût d’inachevé quand on sait le réservoir de 50.000 emplois dans le seul secteur des technologies de la transition, l’ouverture sur l’Europe ; et, quoiqu’on en dise, un attachement viscéral à l’industrie…
L’ex-bassin minier apparaît d’autant plus comme l’épicentre de ce grand dessein de l’écologie productive qu’il dispose d’un haut potentiel de géothermie ; de l’une des plus grandes densités urbaines facilitatrice du photovoltaïque (pour être plus précis de son exploitation, là où se jouera la vraie révolution économique et technologique). Tout ou presque existe en termes de structures pour massifier, développer, former : TEAM2, le CD2E, l’Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier, Mission Bassin Minier. N’inventons plus ! Fédérons… Il ne manquait plus que la centaine de millions et la ténacité. Nous avons peut-être, parmi les milliards, une solution inespérée pour les millions. Reste la ténacité…
Interdisons-nous de penser que tout cela est simple, car rien ne l’est… Ajouter la géothermie à un programme de rénovation de 23.000 logements en cours de déploiement ; utiliser les millions de m² de la grande distribution et de la logistique pour rentabiliser le photovoltaïque ; rapprocher la filière de l’hydrogène d’une industrie automobile elle-même en pleine mutation, le tout dans les délais acceptables pour que la relance puisse être le vrai amortisseur conjoncturel et structurel de crise, tout cela nécessite certainement de « griller quelques étapes », décrocher les téléphones, d’alléger nombre de procédures, accompagner certains montages juridiques… Les futurs Sous-préfets à la relance seront là pour ça. Les périodes où la société française a été disposée à accepter de bousculer ses organisations au profit de sa cohésion sociale ont été rares depuis l’après-guerre. La question est : en avons-nous envie ?