En une heure la planète reçoit autant d’énergie du soleil qu’elle ne consomme d’énergie totale en une année. Le solaire est l’une des solutions d’avenir dans la lutte contre le changement climatique. Nul doute que les Européens devront l’intégrer dans la stratégie « zéro émission » qu’ils ambitionnent à l’horizon de 2050. Balayons la croyance tenace selon laquelle seules la Grèce ou l’Espagne ont un avenir dans le solaire. Il n’en est rien ! L’Allemagne produit plus que la France alors que celle-ci dispose d’un ensoleillement supérieur. Enfin, le solaire présente un autre atout : contrairement à l’éolien, il est invisible.
Le titre de « champion de la terre » décerné à Emmanuel Macron a de quoi laisser perplexe celui qui ferait le choix de ne regarder que les seules performances chiffrées de la France en matière de développement durable, ni franchement mauvaises ni franchement vertueuses. A n’en pas douter le message qu’ont voulu envoyer les Nations-Unies se situe ailleurs… C’est un fait, le Président français n’a rien d’un écologiste transi. Et c’est peut-être là sa principale force !
Nous sommes peut-être encore les seuls, Français, à ne pas comprendre combien la communauté internationale attend de la France et, à travers elle, de l’Europe. Seule l’Europe peut encore ravir à la Chine un leadership mondial que les Etats-Unis sont en passe d’abandonner au 21ème siècle. La défense du multilatéralisme, la démocratie libérale, la rénovation de la gouvernance mondiale, la prévention des crises, la lutte antiterroriste, tous ces défis se mêlent désormais à celui du climat.
L’écologie politique a cruellement besoin de ce « en même temps » qui naguère séduisit les Françaises et les Français le temps d’une élection et qui, à en croire les sondages, les agacerait désormais. Il n’en demeure pas moins que faire travailler « en même temps » la droite, la gauche et le Centre, « en même temps » l’ancien et le nouveau monde, permet d’enclencher les réformes trop longtemps retardées dans un pays réputé conservateur. Ce qui n’est pas sans forcer le respect de nombreux dirigeants à l’international.
Les révolutions étant souvent silencieuses, c’est un peu dans l’indifférence que la France a lancé au printemps dernier « Place au soleil » visant à accélérer le solaire. A travers ce plan, à l’horizon de 2023 la France aspire ainsi à atteindre une capacité de 18 à 20 000 mégawatts (l’équivalent d’une quinzaine de réacteurs nucléaires) contre 8 000 actuellement.
La réalité, c’est que balayer de panneaux solaires un pays tel que la France, l’Allemagne ou l’Espagne, n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué sur un plan technique. Ça l’est un peu plus sur un plan politique. Ça s’avère être en revanche une vraie bombe à retardement sur un plan social que nous ne savons comment désamorcer.
Demain, une route, un trottoir, une vitre, un meuble, un stylo, produiront des quantités d’énergie que nous ne soupçonnons pas. Cette énergie pourra être consommée instantanément ou de façon différée grâce à des stations hydrogènes. Le numérique permettra de gérer des systèmes d’hybridation ou de cogénération complexes à l’échelon d’un foyer, d’une rue, une ville, possiblement, à terme, à l’échelon d’une agglomération de centaines de milliers d’habitants. « L’Europe de l’énergie » à laquelle nous rêvions depuis des décennies et que l’on imaginait prendre la forme d’un vaste maillage de lignes à haute tension interconnectées sur des dizaines de milliers de kilomètres reposera plus vraisemblablement sur une addition de « smarts grids ». Or, nous sous-estimons combien ce basculement depuis un modèle centralisé vers un modèle déconcentré bouleversera nos organisations sociales.
Ce n’est là, finalement, que la description du modèle d’économie collaborative que beaucoup expliqueraient bien mieux que je ne sais le faire. Sauf que… lorsque nous ferons le choix d’étendre ce modèle au secteur de l’énergie, nous franchirons le cap de l’exponentiel. La transformation des emplois ne se fera plus en dizaines ou centaines de milliers, mais en millions. Parce qu’ils passeront du rang d’observateurs à celui de chef d’orchestre, les pouvoirs publics ne pourront plus ignorer les défis posés par l’adaptation de notre fiscalité, du droit du travail, de la hiérarchie des normes, de la formation… La vérité, c’est que nous redoutons ce moment. A raison. Il suffit d’observer les remous que suscite le transfert de fiscalité de quelque 20 milliards des retraités vers les actifs certes conséquent, mais sans comparaison avec la hauteur des transferts qui devront s’opérer entre les différents acteurs économiques.
Retournons l’équation dans le sens que l’on voudra. Seule l’Europe peut nous permettre d’opérer un virage aussi brutal. La question du sens est devenue essentielle. Nous ne pourrons plus longtemps louer le véhicule électrique pour réduire la pollution aux particules fines à Lille ou Bruxelles et consentir à maintenir les centrales au charbon dans la Ruhr. Nous ne pourrons plus longtemps augmenter le prix des carburants de façon erratique pour peser sur les comportements (que ce soit en France ou ailleurs) sans une harmonisation de la fiscalité verte à l’échelon de l’Union. Il y a une certaine schizophrénie à regretter la démission de Nicolas Hulot un jour et à signer une pétition contre la taxe carbone le lendemain.
Notre ancien monde est à terre et nous ne le voyons pas car les ruines sont encore debout. Mais le défi est bien là. Le « zéro émission » place l’Europe devant un chantier au moins aussi complexe que celui de la reconstruction d’après-guerre. Ainsi s’ouvre une fenêtre historique pour faire émerger une écologie politique qui ne soit pas au service d’un parti mais d’un projet de société global pour l’Europe.
L’écologie politique peut nous permettre de réinventer le pacte économique. Nous ne combattrons pas les populismes sans tourner la page de l’ultra-libéralisme qui depuis trente ans annihile toute vision commune, que ce soit dans le domaine industriel ou fiscal. La première pierre de « l’Europe sociale », elle est là ! L’Europe doit retrouver la voie d’un libéralisme régulé capable de remettre le capital au service des hommes, tel que le courant centriste auquel j’appartiens n’a jamais cessé de le défendre. Ce n’est pas un hasard si ce leitmotiv se mêle à notre insatiable soif d’Europe.
Comment promouvoir le photovoltaïque dans les 200 millions de foyers que compte l’Union en nous assurant de donner du travail aux 17 millions de jeunes sans emplois au sein de l’Union ? L’Europe a fait le choix de baisser les armes en supprimant tout droit de douanes face à la Chine qui s’adonne à un dumping sauvage sur ses panneaux solaires. Il nous faut réinstaller des clauses de réciprocité en attendant de relancer l’OMC, bien mal menée depuis vingt ans et désormais dans le viseur de Trump comme de Pékin. Danger… Entre le protectionnisme et l’absence de règles, il doit pouvoir exister une voie médiane – celle de la raison.
L’écologie politique peut nous permettre de réinventer le pacte fiscal. Une nouvelle taxe verte crée, une taxe ancienne supprimée… Ce « talion fiscal » serait de bon augure. Voilà une ligne politique pour les prochaines élections européennes ! Nul besoin de modifier les traités, ni même d’attendre un budget de la zone euro, bien que ce dernier soit incontournable pour bien d’autres raisons. Le semestre européen permettrait déjà d’impulser une telle convergence. Alors que manque-t-il ? Tout simplement un consensus au sein du Parlement Européen pour dire à la Commission et aux Etats : faisons-le ! Voilà ce que peut accomplir un rassemblement central des forces politiques en Europe tel que l’ambitionne Emmanuel Macron.
Chaque année les Européens dépensent 46 % de ce qu’ils produisent, soit 7500 Milliards. Imaginons un instant ce que nous pourrions accomplir en dégageant ne serait-ce que 1 % de ce montant grâce à de nouveaux transferts de compétences. Ce n’est pas beaucoup 1 %. Cela représenterait 3 plans Juncker… par an ! Posons le débat. Les Européens choisiront.
Enfin, l’écologie politique nous permettra de réinventer le pacte social. Parce que ce sont les classes moyennes qui s’inquiètent du retard pris par notre tissu industriel. Parce que ce sont les plus fragiles qui souffrent de la désindustrialisation, de la précarité énergétique…
Je vis dans l’ex bassin minier de la région Hauts-de-France qui elle-même a fait le pari de la troisième révolution industrielle depuis plusieurs années. Ce territoire d’un million d’habitants, qui est l’un des plus jeune d’Europe, qui s’étend du Béthunois au Valenciennois tente de redresser la tête avec l’ERBM (Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier). Tout y a été pensé : la rénovation de 23 000 logements, des politiques vers la jeunesse, l’hôpital numérique… Allons plus loin ! Verdissons-le! Le vrai plan « anti pauvreté », c’est d’abord de reprendre foi en l’avenir.
Rendons autonome chacun des logements qui sont en passe d’être rénovés. Expérimentons la « smart-grid » et invitons chercheurs et bureaux d’étude du monde entier à venir l’observer. Transformons l’autoroute A1 (l’une des plus fréquentée d’Europe) et l’A21 en autoroutes solaires avec des technologies à induction qui décupleront l’autonomie des véhicules. Faisons de ces infrastructures le laboratoire de la nouvelle mobilité électrique à cinq cent kilomètres de la quasi-totalité des sites de production automobiles de l’Union. Tel un ultime coup de menton du soleil au charbon, le « oui » franc au progrès et à l’Europe.
Bref… en une heure la planète reçoit autant d’énergie du soleil qu’elle ne consomme d’énergie totale en une année.