Avec un déficit de 10 à 15 000 créations d’emploi chaque année, la région Hauts de France a besoin de trouver un nouveau souffle.
Je suis intimement convaincu qu’il doit venir, pour partie, de l’Europe et, pour beaucoup, des habitants, des créateurs, des décideurs…
C’est la raison pour laquelle, avec l’ensemble des forces qui nous ont rejoint depuis le 24 juin dernier au lendemain du référendum britannique, Bruno Ducastel et moi-même avons interpellé les élus de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin en faveur d’une candidature pour la relocalisation de l’Agence Européenne des Médicaments, de façon officielle ce 18 août.
La visibilité internationale de la métropole européenne lilloise est essentielle !
Mais comment ?
Un projet à la hauteur doit mettre en avant infiniment plus qu’une ville, aussi prestigieuse soit-elle.
Nul doute que la dimension internationale de l’Agence plaide en faveur d’une dynamique euro-régionale forte autour d’une grande métropole. Ainsi, une candidature solide doit pouvoir s’appuyer sur deux piliers.
Le premier consiste à jouer pleinement la carte de l’attractivité vers toute une industrie pharmaceutique, également bousculée par le Brexit, et tentée par la proximité de l’Agence. Dans un marché de 1000 Md€ annuels, attirer 1 % de production en valeur se traduirait par quelque 10 Md€… soit 5 à 7 % de PIB de la région Hauts de France en très peu de temps. C’est la raison pour laquelle ce projet a besoin de bien plus qu’un cœur de ville ou d’une seule citée administrative ! Or, avec ses importantes capacités foncières en accessibilité directe de la métropole européenne, l‘ex bassin minier présente un atout décisif…
Le second pilier repose sur une dimension bien moins économique et pourtant aussi déterminante !
La période « Post-Brexit » ouvre une séquence éminemment politique. Nul besoin de regarder plus longtemps la situation pour comprendre que l’Europe est malade. Elle l’est pour beaucoup de raisons : l’insuffisance de gouvernance économique, l’absence de convergence fiscale et sociale, la faible résolution des dirigeants à assurer la sécurité aux frontières extérieures – autant d’ornières que les députés européens libéraux et démocrates combattent courageusement.
Mais il y a une autre raison à l’euroscepticisme « du coin de la rue » : pour toute une génération, l’Europe fut synonyme de corrections des inégalités territoriales. Elle a perdu, aux yeux de beaucoup, à tort ou à raison, ce crédit.
Ainsi, une candidature solide doit être capable de réconcilier celles et ceux qui se sont éloignés de l’Europe. Il est illusoire de penser que cette « opération séduction » peut encore fonctionner avec de grandes phrases ! L’Europe doit se montrer de nouveau concrète, protectrice, synonyme d’emplois, de progrès. Bref, de confiance… L’ex-bassin minier présente, et de loin, ce fort enjeu.
Combien sommes-nous à savoir que l’OMS ne se situe pas au centre de Genève ?
Prenons le pari que dans dix ou quinze ans un représentant de l’industrie pharmaceutique italien, allemand ou américain qui viendra à Lens pour défendre une autorisation de mise sur le marché, dira « Je vais à Lille »… Peut-être cela agacera-t-il, demain, les lensois que nous serons… Probablement, ce scénario laisse-t-il, aujourd’hui, certains métropolitains quelque peu dubitatifs…
Mais après tout, combien sommes-nous à savoir que les locaux de la prestigieuse Organisation Mondiale de la Santé se situent… à une dizaine de kilomètres du cœur de Genève (soit à peine moins que ce qui sépare Lens de l’Hôtel de Région). Ou encore, combien sommes-nous à savoir que l’Agence européenne pour la formation des services répressifs de Londres (le CEPOL)… ne se situe pas du tout à Londres mais bien à 50 km dans sa banlieue !
Si la « métropolisation » reste un concept à 20 kilomètres de la métropole, alors nous aurons perdu le pari de l’euro-région
Acceptons de regarder le monde de 2030, même (et peut-être « surtout ») si cela bouscule nos repères. On n’y promeut plus la croissance comme on le faisait dans les années 1980.
Chine, Japon, Brésil, Etats-Unis… les mégalopoles les plus motrices, confrontées à des enjeux d’urbanisme, englobent désormais des territoires s’étalant parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Dans les Länders allemands, poumons administratif et économiques se situent rarement dans les mêmes villes – conséquence ou hasard, outre Rhin les « politiques d’aménagement du territoire » n’existent pas en tant que telles… Bref, autant de constats… aussi factuels que celui de ces milliers de touristes internationaux fréquentant chaque année les allées du Louvre-Lens ou assistant à des manifestations d’envergure internationale au Stade Bollaert.
Opposer Lille et Lens-Liévin serait hautement stérile et totalement hors sujet !
Au contraire, nous devons inviter le premier à venir poursuivre son développement sur le territoire du second – et ainsi permettre à la nouvelle capitale euro-régionale de jouer pleinement son rôle de locomotive économique et social tant attendu.
Choisir l’option inverse serait une erreur. Car elle contribuerait à éloigner encore un peu plus les épicentres décisionnels et économiques de plus en plus d’habitants qui, pour certains, reconnaissons-le, se sentent un peu « perdus » dans ces nouvelles grandes régions…
En clair, si dans dix ans la « métropolisation » et ses effets supposés restent un concept à 20 kilomètres de la métropole… alors c’est que nous aurons perdu le pari de l’euro-région. Pire, peut-être celui de l’Europe forte dans la mondialisation !
Je vous invite à prendre connaissance du document remis ce jour aux Présidents et Vice-Présidents de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin qui, je l’espère, enverra également un signal fort à toute une région ainsi qu’à nos amis de la métropole lilloise. Nous devons regarder ensemble vers l’Europe et le progrès.
Vous assurant de ma pleine mobilisation dans ce projet, je vous en souhaite une excellente lecture !
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