On voit de plus en plus de mains se lever, en France comme dans le reste de l’Union, pour manifester un intérêt à accueillir l’agence européenne des médicaments. Sauf que…
Depuis près de 70 ans, l’Europe s’est bâtie autour d’un modèle déconcentré. Ainsi ont été pensées les institutions européennes : l’exécutif à Bruxelles, le judiciaire à Luxembourg et le législatif à Strasbourg.
Ce modèle s’est renforcé tout au long des années 90 et 2000 avec le développement des différents établissements publics et agences tels que Frontex à Varsovie (capitale européenne comparable en taille à une métropole telle que Lille ou Marseille), l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle à Alicante (qui compte à peine plus d’habitants que l’arrondissement de Lens), le Bureau européen d’appui en matière d’asile à Malte, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie dans la capitale slovène, État de 2 millions d’habitants…
Bref, si elle veut rester fidèle à ses principes, l’Union ne peut confier l’agence européenne des médicaments à une métropole déjà partie prenante de la gouvernance économique. En outre, se saisir du Brexit pour jouer la carte du rééquilibrage entre territoire (qui fut pendant longtemps la marque de la construction européenne) constituerait un signe fort.
Nous pouvons rappeler les Chefs d’Etat et de gouvernent à ces grands principes. Mais il y a une question que nous ne pouvons leur demander de se poser à notre place : voulons-nous, oui ou non, région Hauts de France, l’agence européenne des médicaments, administration de plus de 200 millions d’euros de budgets et employant 400 collaborateurs, médecins, experts, juristes ?
J’ai lancé cet appel parce que j’aspire à plus de pragmatisme. Prenons conscience de nos freins, ils existent – mais ne les surestimons pas. Prenons conscience des forces des autres, réelles – mais ne les idéalisons pas outre mesure.
» l’EMA à Lens, ce n’est pas possible car notre région n’est pas suffisamment spécialisée dans le secteur de la santé «
Vraiment ? Quid d’eura-santé, de ses 7 hôpitaux et 150 entreprises qui emploient près de 15 000 professionnels aussi bien dans le secteur de l’humain que des technologies de pointe ? Quid du pôle de compétitivité qui s’y rattache ?
Allons jusqu’au bout de cette logique… Les centres décisionnels qui ont fait le choix de Londres en raison de la proximité avec l’EMA ne vont-ils pas, eux-aussi, être amenés à se poser la même question : rester off-shore ou se rapprocher de là où se joueront les enjeux demain ?
« Lens c’est excentré… »
Vraiment ? Par rapport à où ? Et surtout, par rapport à qui ? Car vu de Genève ou de Milan, Lens c’est la banlieue de Lille, voire de Paris !
« C’est un pari audacieux «
Disons-le : oui ! Mais est-ce pour autant une folie ?
Terre d’excellence sportive et culturelle, à la lisière du futur canal seine-nord, au cœur d’une nouvelle euro-région, l’ex-bassin bassin se situe dans l’un des trois ou quatre plus grands espaces de flux et de croissance au monde. Il a acquis, peu à peu, une visibilité dont les habitants et élus ne semble pas prendre pleinement conscience.
Avec le Brexit et « en jouant des coudes », nous avons une chance historique d’y ajouter un pilier supplémentaire, stratégique et économique, dans un marché mondial de plus de 1000 Md€, marché qui restera en forte croissance en raison du vieillissement et de l’augmentation de la population mondiale. Bref, une opportunité inouïe d’élever définitivement ce territoire au rang de pôle européen.
« Ça va coûter cher… »
Entre zéro et quinze millions d’euros d’investissement, correspondant à la construction de 5 à 6000 m2 de bureaux… dans l’hypothèse où la Communauté d’Agglomération ferait le choix d’en supporter seule la charge. Soit le coût de la construction d’un échangeur autoroutier… Soit 5% le coût de la reconstruction du Centre Hospitalier de Lens…
Dans les faits, c’est un projet de territoire global qui devra être repensé à horizon 2020, projet évidemment plus onéreux mais aux effets leviers certains. Ce projet global de territoire, dans le prolongement du Louvre-Lens et des manifestations sportives internationales, serait de nature à réinterroger l’offre hôtelière (parent pauvre des développements précédents), l’aménagement du territoire pour accueillir une nouvelle population, l’interconnexion réseau avec le canal seine nord, le passage en trois voies de l’A21, la création de nouvelles zones d’activités… Tout cela serait l’affaire de fonds privés, aidés de la région et les fonds européens.
Le coût du Brexit reste difficilement chiffrable car plusieurs scénarii de coopération seront sur la table des négociations au cours des prochains mois entre les 27 et la Grande-Bretagne. A ce stade, maintenir la voilure du budget européen est susceptible d’augmenter la contribution annuelle française à l’Europe de 500 millions à 1 milliards en sus des 16 Md€ actuels.
Il me semble que la question est moins le coût du Brexit que ce que nous en ferons. Prenons acte que la région Hauts de France, et en son sein l’ex bassin minier, restent les derniers territoires français « en transition » au titre de la programmation 2014-2020 du FEDER. Comment s’en contenter ?
Prenons conscience du volontarisme naissant d’autres territoires pour accueillir l’agence européenne des médicaments. Suède, Danemark, Italie ou la ville de Strasbourg : nous avons probablement plein de raisons de laisser à nos partenaires cette opportunité car ils le méritent tout autant que nous. Mais je me refuse à ce que la seule « raison » soit l’insuffisance de vision pour le territoire, ses entreprises, ses habitants…
Nous ne pouvons demander à d’autres de croire en nous à notre place. Et bien moi, je crois en nous. Et vous ?
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