L’Aquarius laissé actuellement en perdition dans la Méditerranée avec plus de 600 réfugiés à son bord n’est que l’illustration d’un sombre quotidien aux frontières de l’Europe. A ceci près que, cette fois, l’effet « patate chaude » entre l’Italie, Malte, l’Espagne et la France a médiatisé l’évènement de façon peu glorieuse.
En réalité l’Aquarius est annonciateur de profonds déchirements si rien n’est entrepris très rapidement. Ne tergiversons pas : le règlement Dublin a vécu !
Il devient urgent de définir une gestion et un droit d’asile européen fondé sur la capacité d’accueil des États, elle-même définie sur une durée plus contractuelle, mieux réflechie avec les Parlements nationaux, et plus longue (par exemple trois ans). Pourquoi pas, au besoin, moduler une partie des fonds européens (FEDER, FSE, futur FME…) au degré d’engagement de chacun dans cette nouvelle politique communautaire.
Il devient tout aussi indispensable de transformer le bureau d’appui en matière d’asile (actuel EASO) en une Agence Européenne forte et responsable devant la Commission et le Parlement, ainsi qu’un maillage déconcentré au sein des États. Botter en touche sur une question aussi politique qu’opérationnelle, c’est assumer le sentiment d’abandon que peuvent éprouver, fort légitimement, les Etats en responsabilité des frontières externes de l’Union et, de facto, accepter l’affaissement nationaliste de ces derniers. Les Orban, Conte, Jansa ne sont pas arrivés sur un claquement de doigt. Ils ont bel et bien prospéré sur nos failles, et en particulier la faille migratoire. Gare au réveil…
Nous avons plusieurs raisons de réformer la politique et le droit d’asile en Europe. Nous pouvons le faire par humanité envers les migrants. Nous pouvons le faire afin de montrer au reste du monde ce qu’est I’Europe à un moment où ce dernier semble en quête d’un nouveau leadership. Nous pouvons le faire, tout simplement, afin de préserver notre unité, notre démocratie, d’aucuns diraient notre « tranquillité »… Gageons que chacune de ses sensibilités mérite d’être écoutée et respectée. Mais ce qui est certain, c’est que nous avons tout à perdre à ne rien faire.