Le Centenaire de la Grande Guerre doit nous aider à regarder vers une Europe unie et souveraine.

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En choisissant l’Amérique pour renouveler sa flotte d’avions de combat, la Belgique a préféré la dépendance à l’OTAN plutôt que la souveraineté dans l’Europe. C’est certes regrettable, mais ce n’est pas le « coup dur » porté à la défense européenne tel que certains l’affirment. Du moins, pas encore…

L’Europe de la défense avance ! 30 milliards d’euros sur 6 ans en sus des budgets nationaux, ce n’est pas rien. Alors quel enseignement tirer de cette « volte-face belge » deux ans à peine après le lancement de la coopération structurée permanente (PESCO), pourtant annoncée comme « historique » ? Tout simplement que, au-delà de moyens, l’Europe de la défense a besoin d’actes refondateurs !

Un peu parce que, naguère, elle tua dans l’œuf la Communauté Européenne de Défense, et beaucoup parce qu’elle détient des clés essentielles pour relancer un processus d’intégration, la France porte une grande responsabilité pour les cinq à dix années à venir.

Tout d’abord en matière de dissuasion nucléaire. Certes, ce ne serait pas la première fois que la France tend la main à ses voisins.  Mais le Brexit change considérablement la donne. Pour la première fois de son histoire, l’Europe sera en capacité de développer une force de dissuasion indépendante. C’est le moment ou jamais pour envoyer un signal vers la « nouvelle Europe », à l’Est, encore marquée par Yalta et tournée vers Washington faute d’Europe puissance à ses côtés pour assurer sa protection. Le partage de l’arme nucléaire ne doit certainement pas être le cœur de la stratégie européenne dans une période marquée par les conflits régionaux. Il n’est pas non plus à négliger en ces temps de prolifération. En réalité cette dissuasion intégrée serait aussi symbolique que déterminante pour débloquer le reste (coopération technologiques, renseignement…). Tout simplement parce qu’elle forcerait les Européens à trancher la question hautement sensible du commandement.

La seconde révolution que la France peut insuffler auprès de ses partenaires concerne la diplomatie. Le 21ème siècle se jouera dans des zones du globe où individuellement le poids de chacun des États européens est relatif. L’Europe n’y est perçue comme la première puissance mondiale que lorsqu’elle y parle d’une seule voix. La création du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a été une avancée remarquable du traité de Lisbonne. Mais nous devons aller plus loin…

L’Europe ne doit plus seulement être représentée, elle  doit être incarnée : fusionnons nos ambassades et consuls ! Commençons par certaines régions du monde ou certains pays pour lesquels un consensus est plus facile à dégager. Du passé ne faisons pas table rase, ce n’est jamais bon… A défaut de résultats immédiats, provoquons le mouvement ! Notre immobilisme est observé par une Amérique de plus en plus isolationniste et par une Chine de plus en plus conquérante. D’où la délitescence de la régulation mondiale, d’où la panne de l’OMC… Regardons le monde tel qu’il se redessine et non comme nous souhaiterions le regarder. Européens, nous aurons à défendre le climat pour éloigner la barbarie et prévenir le chaos migratoire. Peut-être demain serons-nous le dernier rempart contre la finance dérégulée ou les derniers défenseurs de la démocratie libérale. Parce qu’elle dispose de la plus importante représentation diplomatique derrière les Etats-Unis, et parce qu’elle dispose d’un droit de veto au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la France est la mieux armée pour emmener ces « ambassades des 27 » dans le monde.

Je ne mésestime en rien la violence qu’induit tel basculement pour beaucoup de nos compatriotes. Mais elle n’est que le corollaire de la violence du monde, de plus en plus rapide et global. Depuis la chute du mur de Berlin, nous nous sommes baignés d’une illusion selon laquelle le 21ème siècle serait le prolongement du 20ème à quelques ajustements près. Las…  Nous devrons avoir le courage de dire la  vérité. Cette vérité est que nous avons perdu du temps et nous courons un risque de disparition. Oh non disparaitre en tant que pays… pire peut-être, disparaitre en tant que peuple, libre de choisir son mode de vie, sa culture, son droit du travail, son organisation sociale… cela pourrait ne prendre à peine plus qu’une génération !

La tentation est forte d’escamoter ces sujets au cours de la campagne des Européennes par crainte de réveiller la propagande nationaliste. Grave erreur. Nous touchons, au contraire, au cœur de réacteur de l’escroquerie populiste consistant à faire croire à ceux qui souffrent que la solution est d’attendre, recroquevillés, notre dilution dans la mondialisation. Curieux attachement à la mémoire de Jeanne d’Arc, de Clovis, ou de De Gaulle, que celui qui consiste à baisser les armes ! La France n’a jamais accepté que d’autres choisissent pour elle son destin, ni en 1789 ni en 1940 – et elle n’a pas plus de raison de l’accepter pour 2040. Etre révolutionnaire aujourd’hui, c’est être Européen ! Se lever aujourd’hui, c’est être Européen ! Ce n’est pas la France qui change, c’est le monde ! A travers l’Europe, la France se réinvente pour porter plus loin, plus haut, plus unis, l’idéal de paix et de démocratie hérités du siècle des Lumières.

Nous allons dans quelques jours célébrer le centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale. Elle fut avant tout une guerre civile européenne. La défense et la diplomatie européennes sont des symboles forts – ceux d’un continent qui choisit de tourner une page en rendant tout conflit définitivement impossible à l’intérieur de ses frontières. Quel exemple pour les peuples qui, aujourd’hui, ne voient pas le bout du tunnel, pour lesquels la situation semble inextricable ! Comme elle le fut, pour nous, Français et Allemands, Italien, Espagnol en 1914, en 1940… Quel exemple pour Israël et la Palestine, pour la Corée du Nord et du Sud…  Si l’Histoire ne nous aide pas à fabriquer l’avenir, alors c’est que nous ne la comprenons pas.

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