Europe sociale, candidatons !

L’Europe réfléchit à une nouvelle administration chargée de prévenir et lutter contre le dumping social… et si elle trouvait sa place dans l’ex-bassin minier ? 

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Il y a plusieurs mois, je soutenais la relocalisation de l’Agence Européenne des Médicaments en région Hauts-de-France, au cœur de l’ex-bassin minier distant à peine d’une vingtaine de kilomètres de la capitale régionale, soit l’épaisseur du trait sur une carte de l’Europe ou du monde. Or, les espaces de projets les plus prometteurs sont ceux qui dépassent le million d’habitants, seuil désormais minimal pour rapprocher périphéries et centralités via des modèles de développement plus collaboratifs, mieux connectés au reste de la planète…  Des villes telles que Barcelone, Alicante, Lisbonne ou Turin, dont nous louons souvent la « renaissance », obéissent à ce modèle. Plus de la moitié des emplois créés chaque année dans l’OCDE le sont dans un espace métropolitain. Que dire enfin de la Silicon Valley prise en comparaison par certains pour parler de REV 3 dans les Hauts-de-France ? Elle irrigue entreprises, laboratoires, starts-up… sur des centaines de kilomètres.

Bref, je persiste et signe ! Artois et Flandres doivent apprendre à regarder dans la même direction (et probablement avec d’autres) quand il s‘agit d’Europe. Une autorité européenne aurait donc toute sa place dans l’ex-bassin minier, classé au patrimoine de l’UNESCO, à côté du Louvre-Lens, « par procuration » de la métropole européenne lilloise. Ce droit commun aurait un impact autrement plus fort que les politiques et dispositifs d’exception auxquels habitants et dirigeants ont fini par s’habituer au fil des ans. Pour être plus clair encore : implanter l’Europe là les citoyens se sentent les plus écartés serait un formidable pied de nez au renoncement ! Et, par là même, couperait l’herbe sous le pied des populistes.

Pourquoi remettre cette affaire sur le tapis ? Pour régler des comptes ? Certainement pas ! Mais apprendre des erreurs passées, oui…

Le Brexit n’a pas eu que pour seul effet de relocaliser deux agences européennes, Dieu merci ! Il a suscité une prise de conscience bien plus large. En région, avec le volontarisme de l’exécutif actuel pour attirer les entrepreneurs britanniques et aller cranter plus loin, plus fort, dans REV 3. Au national, en plaçant la France face à son destin. On ne peut exclure que les conséquences néfastes du Brexit en Grande-Bretagne ait redonné l’envie aux Français, les conduisant à élire un Président jeune, capable de faire travailler ensemble droite et gauche. En Europe enfin, où le désir de société s’exprime. L’Europe arrive à la fin d’un cycle où chacun comprend que la construction par la marché et pour le marché… c’est aussi le suicide par le marché. L’Europe doit devenir autre chose – cette communauté de projet telle que la rêvait Victor Hugo. Sauf que ce n’est pas d’un « rêve » dont il s’agit, mais bien d’une confrontation au réel.

Le rôle de l’OTAN, la direction prise par la Russie, le terrorisme international remettent la défense européenne en selle. La nécessité de rééquilibrer le commerce mondial, la lutte contre le changement climatique, la gestion des flux migratoires, l’intelligence artificielle, rappellent l’importance d’une Europe capable de parler d’une voix forte dans les instances internationales.

Il y a surtout l’aspiration à une Europe plus sociale. Pour la premières fois depuis vingt ans, les volontés (plus ou moins bonnes, il est vrai) se sont mises autour de la table pour ouvrir le dossier des 17 millions de travailleurs détachés. C’est un début ! Insuffisant… Mais suffisamment prometteur pour qu’on ne le balaie pas d’un revers de la main sous couvert de fatalisme. L’Europe envisage de se doter d’un « nouvel endroit où seraient réunies les administrations nationales pour coopérer, échanger de l’information et faciliter les inspections communes » pour reprendre le propos exact de la Commissaire chargée de l’emploi et des affaires sociales, Marianne Thyssen. En clair :

Cette nouvelle Autorité européenne du travail, qui serait calquée sur le fonctionnement d’Europol (elle-même disposant d’un siège à La Haye et d’un bureau à Lyon), va devoir trouver sa place – au propre comme au figuré.

Chacun connaît mon attachement à l’Europe. Je ne dis pas qu’il faille faire feu de tout bois ! Je dis simplement deux choses.

1/ Rien n’empêche les Hauts de France de réfléchir d’ores et déjà à une nouvelle candidature dans l’hypothèse (probable) où cette nouvelle autorité verrait le jour. A condition d’y réfléchir collectivement, en mode « euro-région » et non en mode « ville », au risque de connaitre une déconvenue similaire au dossier de l’AEM. Une implantation à vingt kilomètres de Lille, tout en gardant la visibilité et le prestige de la métropole européenne, fait sens.

2 / La future Agence européenne du travail (appelons-la de cette façon) présenterait des caractéristiques bien différentes de celles de l’Agence européenne des médicaments, notamment en termes de retombées économiques. Mais elle présenterait un attrait comparable et ô combien précieux : ramener l’Europe dans l’ex-bassin minier du Pas-de-Calais… si nous estimions que telle est la voie à prendre. Chacun l’aura compris, je fais partie de ceux là. Je suis intimement convaincu que nous avons besoin d’un tel signal européen pour entériner la  mobilisation grandissante en faveur de l’Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier, du Louvre Lens, des zones franches. Mais personne ne peut le faire seul…

On ne saurait fustiger l’Europe pour sa faiblesse de projet social et rester passif le jour où celui-ci vous tend, même timidement, les bras. Peut-être, cette responsabilité est-elle plus forte encore de la part de dirigeants eux-mêmes issus de territoires où les symboles ont façonné l’Histoire. Nul doute que la mobilisation d’un ancien bastion industriel, marqué par les délocalisations et les luttes sociales passées, pour accueillir ce qui pourrait être demain un acteur de poids de l’Europe sociale, ajouterait à ce symbole.

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